Regards croisés sur la nutrition spécialisée

Le 21 mars dernier, le pôle de compétitivité Clubster NSL (Nutrition Santé Longévité) et les incubateurs-accélérateurs food Euralimentaire et sport, santé & bien-être Vivalley organisaient une soirée d’échanges et de partage d’expertises autour de la nutrition spécialisée : quels sont les besoins du marché ? Quels sont les enjeux de communication ? Quel est le cadre réglementaire ? Autant de questions qui ont été abordées à cette occasion !

Le marché de la nutrition spécialisée

Ce marché s’adresse à tous les publics ayant des besoins nutritionnels spécifiques : Cela peut concerner des nourrissons et enfants en bas âge, des personnes dénutries (2 millions de personnes en France), malades, âgées ou qui doivent surveiller leur poids, des grands sportifs, des porteurs de la maladie cœliaque (700 000 personnes en France, et moins de 20 % des cas diagnostiqués). D’après le Syndicat Français de la Nutrition Spécialisée, ce marché peut se décomposer en 3 grands domaines : 

  • Les aliments de l’enfance, qui englobent des préparations infantiles (dont des laits), des préparations à base de céréales et des denrées alimentaires pour les bébés.
  • La nutrition clinique, qui propose des « Denrées Alimentaires Destinées à des Fins Médicales Spéciales » ou DADFMS.
  • La nutrition santé et bien-être, comprenant dans son périmètre les aliments minceurs pour le maintien ou la perte du poids, ainsi que les aliments dédiés aux sportifs ou encore sans gluten. C’est un domaine porteur qui pèse aujourd’hui 370 millions d’euros rien que sur le réseau de la grande distribution, avec un CA qui ne cesse de croitre.

Les tendances de fond du marché de la nutrition spécialisée

Pour répondre aux attentes de consommateurs de plus en plus informés et demandeurs de qualité, de transparence et de personnalisation, le secteur innove en permanence : nouveaux formats, nouveaux gouts, nouvelles portions.  Le Nutex a identifiés plusieurs tendances : 

  • L’offre bio qui se diversifie malgré un marché en difficulté (13% des ventes du secteur en volume)
  • Une personnalisation des produits à un besoin spécifique (ex : nourrissons nés par césarienne, « manger mains » pour nourrissons et personnes âgées)
  • La durabilité : emballages plus responsables et végétalisation (ex : livraisons de plats végé pour sportifs avec Sport &Green)
  • Des solutions pour le marché du e-sportif avec la notion de « biohacking » (modification ou détournement de certaines fonctions de l’organisme dans le but d’améliorer un état physiologique) et le développement des nootropiques
  • La silver nutrition: personnalisation de l’offre pour prévenir les pathologies liées à l’âge (textures modifiées, prévention des maladies neurodégénératives.)
  • Le développement de services associés (ex : des services conseils en santé et bien-être développés par la mutuelle GSMC pour ses adhérents, solutions pour faciliter l’observance des patients en nutrition clinique…)

Les enjeux règlementaires de la nutrition spécialisée

« Riche en fibre », « prévient le vieillissement »… : les allégations nutritionnelles et de santé revêtent une importance majeure pour la promotion des produits du secteur de la nutrition spécialisée auprès des consommateurs. Au niveau réglementaire, il existe différentes typologies d’allégations (source : DGCCRF )  :

  • Une allégation est constituée de tout message, représentation, symbole ou image, non obligatoire en vertu de la législation européenne ou nationale, qui affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières. Par exemple : « sans conservateurs ».
  • Une allégation nutritionnelleest un message ou une représentation qui affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire contient ou ne contient pas une certaine quantité de calories, de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel. Par exemple : « pauvre en matières grasses », « riche en vitamine C»…
  • Une allégation de santéest un message qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants, et d’autre part, la santé. Par exemple : « la vitamine D est nécessaire à une croissance et un développement osseux normaux des enfants ».
  • Une allégation thérapeutiqueest un message qui attribue à une denrée alimentaire des propriétés de prévention, traitement ou guérison d’une maladie humaine. Par exemple : « réduit la douleur arthritique ».

Les allégations nutritionnelles et de santé sont encadrées par le règlement (CE) n° 1924/2006, applicable depuis le 1er juillet 2007. Liste positive : l’emploi d’allégation nutritionnelle ou de santé ne figurant pas dans la liste d’allégations autorisées est strictement interdit. Les allégations thérapeutiques sont quant à elles interdites.

Pour déterminer si une allégation nutritionnelle ou de santé peut être autorisée, elle est soumise à une procédure d’autorisation préalable, après évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L’objectif est de s’assurer que l’allégation présente dans les communications à caractère commercial est compréhensible, pertinente et fondée sur des preuves scientifiques.

Sur le marché spécifique de la nutrition spécialisée, la frontière entre aliments et médicaments est parfois complexe à identifier. Il existe en effet différents degrés d’exigence réglementaire en fonction du statut du produit. Le statut d’une denrée alimentaire est défini en fonction de sa composition, de la population ciblée et de la communication souhaitée. Les denrées alimentaires courantes comme les compléments alimentaires et les denrées alimentaires enrichies qui s’adressent à la population en générale sont encadrées par le règlement sur les allégations nutritionnelle et de santé (présenté ci-dessus).

Il existe un second statut : Le statut des Aliments pour Groupes Spécifiques, encadré par le règlement 609/2013 (souvent appelé règlement « AGS »). Dans l’Union européenne, les aliments destinés à des groupes spécifiques (AGS) comprennent (source : EFSA) :

  • Les aliments destinés aux nourrissons (moins de 12 mois) et aux enfants en bas âge (d’un à trois ans), notamment :
    • Les préparations pour nourrissons et préparations de suite ;
    • Les préparations à base de céréales : céréales simples, céréales à complément protéinique, pâtes alimentaires, biscottes et biscuits
    • Les aliments pour bébé.
  • Les aliments destinés à des fins médicales spéciales (DADFMS).
  • Les substituts de la ration journalière totale pour le contrôle du poids.

Enfin, une DADFMS est une denrée alimentaire mise au point pour répondre spécialement aux besoins nutritionnels des patients et qui ne peut être utilisée que sous contrôle médical.

Pour bien identifier les enjeux réglementaires sur ces sujets, il est important de se faire accompagner par des experts juridiques sur ces domaines.

Présentation de projets innovants en région

La soirée s’est poursuivie par un temps d’échange au format « table ronde », où nos intervenantes ont été rejointes par de jeunes entreprises de la région :

  • NutriEarth, représenté par Joanne, propose des ingrédients fonctionnels santé pour les entreprises agroalimentaires et nutraceutiques. Ces ingrédients sont développés à partir d’une ressource écoresponsable, les insectes comestibles. NutriEarth utilise des procédés naturels et brevetés pour optimiser la teneur des farines et huiles d’insectes en nutriments spécifiques comme la vitamine D3. Julie travaille à la valorisation de ces matrices, et à leur intégration dans des produits finis.
  • Osmoz Lab est né en 2022 d’une volonté simple : améliorer le quotidien des personnes sous chimiothérapie. Au vu de la méconnaissance et des risques que peuvent provoquer la consommation de compléments alimentaires pendant la chimiothérapie, Alexandre s’est spécialisé dans la recherche de solutions efficaces et sans danger avec les traitements anticancéreux, mettant à profit ses 10 années d’expérience dans l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui OSMOZ accompagne plusieurs milliers de patients sous chimiothérapie.

Sont notamment ressortis les conseils suivants adressés aux entreprises et aux entrepreneurs qui souhaitent se lancer sur le marché de la nutrition spécialisée : 1) Acquérir une vision claire du marché et des besoins à satisfaire avant de se lancer, et la réactualiser régulièrement ; 2) Se ternir à jour des évolutions règlementaires ; 3) Se faire accompagner par des experts.

Un grand merci aux intervenants présents lors de cet événement en commun : Julien Delicourt, de la mutuelle GSMC (partenaire de l’atelier), animait les échanges entre Julie Avrillier, experte nutrition spécialisée chez Nutex/Alliance 7 ; Myriam Quillet, manager affaires règlementaires chez Decathlon ; Joanne Guidet, ingénieure R&D nutrition chez Nutriearth ; et Alexandre Chavatte, fondateur d’Osmoz Lab.

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